
Le 22 mai était la journée internationale de la biodiversité. L’occasion de faire le point sur la biodiversité à l’échelle des collectivités. Une tribune signée Cédric Nicard, Directeur Général de Cap Terre.
La biodiversité est aujourd’hui un enjeu crucial à de multiples niveaux, depuis l’échelle planétaire jusqu’à la rue dans laquelle nous vivons. Les collectivités la côtoient, la façonnent voire la subissent. Parmi les rôles essentiels des collectivités, se trouve notamment celui de donner le rythme et les règles du jeu à l’aménagement et à la construction. Deux espaces d’intervention dans lesquels la biodiversité n’est pas une adversaire mais au contraire un levier de durabilité et de résilience.
La biodiversité et ses facettes écologique, technique et réglementaire
La biodiversité est un sujet complexe car, par nature « diversifiée » à travers ses multiples facettes : écologie, technique, réglementation. Ces règlementations sont, elles aussi, complexes et multithématiques. Des textes limitant la construction neuve et l’artificialisation entrent aujourd’hui en frottement avec une trajectoire de rénovation du parc immobilier bâti.

Face à ces cadres, deux stratégies de réponse s’offrent aux communes : d’un côté, une méthodologie de traitement en silo en traitant chaque règle, texte par texte, de haut en bas – approche certes efficace mais coûteuse en temps et en budget ; de l’autre, le traitement transversal des textes pour générer des opportunités de mutualisation d’actions. Quitte à se mobiliser dans une campagne de rénovation énergétique d’une école, pourquoi ne pas profiter de la dynamique engagée pour pousser les travaux un cran plus loin et questionner l’imperméabilisation de la cour ?
L’intégration de biodiversité peut également constituer elle-même une solution à un enjeu environnemental. C’est notamment le cas des ilots de chaleur urbains qui, aggravés par l’effet du dérèglement climatique, l’artificialisation des sols et les effets cascade des climatisations, trouvent aujourd’hui une solution très concrète par le retour des végétaux à leurs portes.
Pour éviter que le bâtiment et l’aménagement ne soient les grands drames de la biodiversité, il est essentiel que les acteurs des territoires agissent de concert. Les collectivités ne sont pas seules, loin de là, assistants à maîtrise d’ouvrage et maîtres d’œuvres sont aussi là pour tisser le lien entre elles et la force de frappe du secteur privé. Promoteurs, aménageurs, investisseurs, … tous ont des enjeux différents de ceux des collectivités mais pas pour autant opposés. Il est alors essentiel de créer un liant, de disposer de ces « traducteurs » des contraintes de chacun pour aboutir à un consensus à bénéfices partagés.
Par ailleurs, la biodiversité peut aussi être un levier de pédagogie, de lien avec les habitants bénéficiant aussi bien aux promoteurs qu’aux élus. C’est en effet avant tout un sujet accessible à tous, à tout âge. Il n’est désormais plus rare de voir des chantiers ouvrir leurs portes au public et démontrer fièrement qu’eux aussi, à leur niveau, de petites actions simples contribuent à préserver la biodiversité.

Les écoles du voisinage pouvant ainsi aussi bien contempler le balai des grues que les refuges de biodiversités aménagés aux abords. Il ne faut pas non plus sous-estimer le potentiel rôle économique d’une biodiversité maîtrisée. A l’approche de la RE2020 et de ses critères bas-carbone, nul doute que les collectivités n’hésiteront pas à soutenir les filières de matériaux biosourcés (chanvre, lin, etc.) sur leurs territoires apportant ainsi un soutien tant aux agriculteurs qu’aux artisans…
Les documents d’urbanisme ont également leur rôle à jouer
Après une première étape franchie dans les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) par l’intégration du coefficient de biotope sur les parcelles (permettant de limiter l’artificialisation de la parcelle à un taux maximum), une seconde étape est attendue : celle d’une intégration systémique de continuité écologique.
La présence des trames vertes et bleues (corridors et points de chute physiques de circulation des espèces) est maintenant suivie de trames noires pour ouvrir des circulations aux animaux nocturnes ainsi que par des trames brunes visant à reconstituer des cheminements continus non artificiels. Ces dernières constituent ainsi des refuges de biodiversité dans le sol même et permettent également de favoriser l’absorption des pluies, de contribuer à un stockage de CO2 dans les sols mais également de renforcer la santé des espèces végétales.
N’oublions pas ici non plus que dans « biodiversité » il y a « bio » mais il y a aussi « diversité ». Ainsi, les attendus des programmes immobilier et d’aménagement doivent laisser la place à de multiples essences végétales pour elles-mêmes offrir ce cadre de diversité à la faune.
Le chemin de la réconciliation entre la Biodiversité et ceux qui font la Ville est encore long mais rappelons-nous aussi d’où nous venons : des espaces de biodiversité qui occupaient les places publiques méditerranéennes antiques, organes centraux de la citoyenneté, mais aussi des plus récents grands travaux de réappropriation urbaine conduits par le Baron Haussmann au sein desquels les parcs trouvaient leur place de bulles sanitaires. Les collectivités territoriales, quelle que soit leur échelle, sont aujourd’hui au cœur de ces enjeux et peuvent prendre la relève !